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lundi 08 août 2016 19:36
Tout joueur danois aimerait être possédé ne serait-ce que quelques instants par l'esprit pionnier de Nils Middelboe et quand le Danemark ouvrira le Tournoi Olympique de Football Masculin contre l'Irak, ce désir sera double. La légende de Middelboe, l'un des joueurs nordiques les plus emblématiques de l'histoire, est née lors du match d'ouverture d'une édition des Jeux Olympiques. Mais pas dans un match d'ouverture quelconque.
Dans l'après-midi du 19 octobre 1908, deux sélections nationales officielles ont disputé le premier match de football dans le cadre olympique. D'un côté le Danemark, de l'autre l'équipe de France B. Le compte-rendu officiel de ces Jeux Olympiques de Londres 1908 évoque "une pelouse glissante au milieu du terrain et un mauvais temps, humide".
Est-ce parce que son frère Kristian était à ses côtés en milieu de terrain ou parce qu'en tant qu'amateur, il était convaincu qu'il s'agissait pour lui d'un grand jour ? Quelle que soit la raison, Middelboe n'avait que faire de la pelouse glissante, du mauvais temps ou de l'humidité. Douze minutes après le coup d'envoi sifflé par l'Anglais Thomas Kyle, Middelboe ouvre le score pour le Danemark, inscrivant ainsi le premier but d'un match entre deux vraies sélections dans un Tournoi Olympique de Football, premier but également de l'histoire du Danemark.
Polyvalent, toujours gagnant
Le Grand Danois, comme allait l'appeler plus tard le public anglais, inscrivit également le sixième but lors d'une victoire 9:0 devant 2 000 spectateurs au Shepherd's Bush Stadium. Trois jours plus tard, il trouve de nouveau le chemin des filets dans un autre match resté dans l'histoire : le 17:1 infligé par le Danemark à l'équipe de France A reste à ce jour le plus gros score d'un match de football olympique.
Le Danemark décroche finalement la médaille d'argent après avoir été battu 2:0 par la Grande-Bretagne en finale. Cela n'empêche pas le mouvement olympique de rester émerveillé par le talent de ce puissant joueur d'1m89 et âgé de 21 ans, né en Suède mais élevé dans un quartier bourgeois de Copenhague. Cette naissance de bonne famille n'a pas empêché Nils, ni ses frères Kristian et Einar, de s'adonner avec virtuosité - et dès leur plus jeune âge - au ballon rond dans les rues de la capitale danoise.
Aux Jeux de Stockholm 1912, Middelboe remporte une nouvelle médaille d'argent, après avoir brillé à deux postes différents, comme milieu de terrain et en défense. Sa polyvalence ne se limitait d'ailleurs pas au rectangle vert. Entre deux matches de foot pour le compte du modeste club de KB ou pour celui du Danemark qui savait se faire respecter dans les matches amicaux qu'il disputait à cette époque, Middelboe s'amusait à battre les records nationaux en athlétisme, et pas seulement dans une seule discipline. Il a ainsi remporté des titres et battu des records dans des spécialités aussi différentes que le triple saut et le 800 mètres.
Un sentiment de liberté
Middelboe adorait le football, mais il aimait aussi son travail dans une banque. C'est au nom de cette double allégeance qu'il défendait à outrance l'esprit amateur. Après avoir été champion du Danemark avec KB pour la première fois de son histoire, il plie bagage pour aller en Angleterre, avec comme objectif de bien gagner sa vie comme banquier, tout en continuant à jouer au football. Le premier club qui le séduit est Newcastle, après quoi il rejoint Chelsea, où il devient le premier étranger à porter les couleurs du club.
Il aurait pu tripler son salaire s'il n'avait pas refusé, par défense de l'amateurisme, d'être payé en tant que footballeur. Son métier de banquier explique aussi pourquoi sur les 46 matches qu'il a disputés pour les Blues en cinq saisons, seulement 12 ont eu lieu hors de Londres. En effet, il ne pouvait pas voyager avec le reste de l'équipe le vendredi après-midi, car ce jour-là, les banques étaient ouvertes. En d'autres termes, pour Middelboe, ne pas être payé pour jouer au football était synonyme de liberté.
Il prend sa retraite internationale après les Jeux Olympiques d'Anvers en 1920. En tout et pour tout, il aura joué 15 matches, un chiffre peu élevé qui s'explique par les années de trêve footballistique dues à la Première Guerre mondiale. Il devient ensuite entraîneur et remporte le championnat du Danemark en 1940, toujours avec le club de KB. De 1942 à 1964, il est technicien à la Fédération danoise de football. Il décède en 1976, à l'âge de 88 ans. En 1970, il avait écrit un petit livre quasiment introuvable aujourd'hui, intitulé Bon sens et football. Dans cet ouvrage, il critique les entraîneurs intrusifs qui limitent la créativité, surtout celle des jeunes. "Systématiser, c'est stériliser", écrit-il. Il était obsédé par la liberté du joueur, cette liberté même qu'il défendait radicalement… et qui lui a permis d'entrer dans l'histoire.
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Nils Middelboe