Bien qu’il ait grandi et porte la nationalité française, Franck Ribéry n’en demeure pas moins un Algérien presque à part entière. Marié à une Algérienne et converti à l’Islam, la star du Bayern Munich est très proche des Algériens et du pays de ses beaux-parents. Il revendique haut et fort sa fierté d’être musulman et ne s’en cache pas. Pour ça et pour d’autres choses, on s’est déplacé jusqu’à lui à Munich pour réaliser cette interview et pouvoir partager quelques-unes de ses confidences avec nos fidèles lecteurs. Très humble et chaleureux, Ribéry nous a accueillis avec sa simplicité légendaire au centre d’entraînement du club bavarois, il y a quelques semaines, et a accepté de répondre sans détours et avec grand plaisir à nos nombreuses questions qui, pour la plupart, relevaient surtout de sa vie privée. Un entretien passionnant qu’on vous invite à lire !
Tout d’abord, on vous remercie de nous accueillir ici au centre du Bayern Munich pour cette interview…
C’est un plaisir pour moi. Soyez les bienvenus !
Vous êtes toujours à l’écoute des Algériens et prêt à beaucoup leur offrir…
Oui, parce que je pense qu’avant tout, je suis musulman et ensuite, parce que j’ai eu la chance de pouvoir partir en Algérie. Ma femme est algérienne et toute ma belle famille respire l’Algérie. Je connais la mentalité algérienne et je sais ce que cela représente. Je sais le cœur que peuvent avoir les Algériens. Pour ma belle famille notamment, l’Algérie, c’est plus que tout. Quand les Verts jouent, c’est comme s’ils sont sur le terrain. Ils vivent pleinement le match et avec beaucoup de passion.
Vous vibrez avec votre belle famille, alors ?
Oui, je vibre avec eux. J’aime l’Algérie, je ne l’ai jamais caché et je supporte bien entendu l’Equipe d’Algérie. Je suis aussi fier d’être marié à une Algérienne.
En Algérie, on vous considère comme un frère dans l’Islam, mais aussi comme le gendre idéal. Est-ce que vous sentez cette affection des Algériens quand vous les rencontrez un peu partout ?
Oui, bien sûr ! J’ai cette mentalité aussi, car j’ai grandi avec beaucoup de Maghrébins et de musulmans surtout. Je sais ce que tout ça représente pour eux. J’ai eu la chance d’entrer au sein de ma belle famille et j’ai pu voir ainsi une autre culture, une autre mentalité, une autre manière de manger (rire…)
Justement, racontez-nous ces petits détails…
On ressent beaucoup de solidarité dans les familles algériennes. Il n’y en a pas beaucoup dans la vie de tous les jours. Pouvoir participer tous ensemble, manger, rigoler autour d’une même table, avec plein de plats à côté, c’est extraordinaire.
On sent beaucoup de sincérité quand vous parlez de l’Algérie. C’est comme si vous êtes heureux d’en parler…
J’en suis fier, oui. Ça fait longtemps que je suis marié à ma femme Wahiba. J’ai eu trois enfants avec elle et je sais ce que l’Algérie représente pour eux. C’est leur pays et il ne faudra pas parler en mal du bled, sinon il y’a au bout embrouille (rire). C’est bien, c’est là qu’on voit le véritable Algérien. Ils sont fiers de porter leurs couleurs, de parler constamment de leur pays.
On ne voit pas ça ailleurs, n’est-ce pas ?
Oui, c’est clair, on ne voit pas toujours ça pour d’autres pays. Ailleurs, c’est d’autres cultures, c’est différent.
En Algérie, vous êtes parti uniquement à Oran ?
A Oran et Tlemcen aussi.
Des anecdotes à nous raconter de votre séjour ?
J’ai eu affaire à beaucoup de choses marrantes. Je venais de sortir d’une Coupe du monde et j’ai voulu partir en Algérie avec ma femme pour passer du bon temps, voir la belle famille, changer d’air, quoi.
Beaucoup de stars comme vous auraient peut-être choisi d’aller à Miami, dans les endroits les plus paradisiaques…
Avant tout, je viens d’un quartier, d’une jeunesse difficile. Je suis issu d’une famille modeste. Il fallait que je me batte pour que je réussisse ma vie. Je ne suis pas du genre à me la péter.
C’est plus cette simplicité qu’on admire chez vous en Algérie…
C’est ce qui fait ma force. El hamdoulilah, maintenant, tout va bien, j’ai réussi ma vie, ma famille est en sécurité, mais avant d’en arriver là, j’ai beaucoup galéré, mais aussi travaillé avec beaucoup d’hargne. Grâce à Dieu et Son Aide, j’ai pu atteindre mes objectifs. Quand je suis parti la première fois en Algérie, ma belle famille commençait à peine à construire la maison. Elle n’était pas bien en état, mais ça ne m’empêchait pas de dormir par terre.
Vous auriez pu prendre un hôtel…
Croyez-moi, je préfère ce genre d’ambiance, cette mentalité, dormir et se réveiller ensemble en famille. C’est extraordinaire.
Et dans le quartier, ça se passait comment ?
J’ai eu un accueil fabuleux. Ils m’ont fait une surprise quand je suis arrivé de l’aéroport. Après, c’est vrai que ça été difficile, car je ne pouvais pas faire ce que je voulais dans la rue, parce qu’en même temps, c’est des fans et il peut y avoir un peu d’hystérie. C’est compréhensible, mais je dois dire que ça m’a fait super plaisir. Je me rappelle lorsque je suis allé manger dans un resto, à Porsay (région de Tlemcen) là où il y a la plage et tout, et là, je vois que des gens ont entouré tout le restaurant et je ne pouvais pratiquement pas du tout sortir. Après, c’est positif, c’est de l’amour. Il n’y avait pas d’agressivité et franchement, c’était bien.
C’est quand même incroyable cet amour que vous portez pour l’Algérie…
J’adore l’Algérie et je le dis assez souvent. Je suis sincère car ça vient du cœur et ce n’est pas parce que je suis avec une Algérienne. Avant tout, je suis musulman et fier de l’être.
Et cet Islam justement, qui vous l’a inculqué ?
C’est grâce à mon beau-frère Mohamed Ali. Cependant, vu que j’ai grandi avec des Maghrébins dans mon quartier, qui étaient tous des musulmans, ça m’a permis de connaître la religion. Je ne mangeais plus de porc et après, quand j’ai rencontré Mohamed, mon beau- frère, il y a eu le déclic. Il avait trois sœurs, et moi, j’ai eu une attirance et une préférence pour Wahiba. Ensuite, je savais que dans la religion, ça ne se passait pas comme ça. Alors, il fallait respecter et faire les choses convenablement, dans les traditions, bien sûr.
On vous a dès lors demandé de vous convertir à l’Islam ou bien…
Non, je l’ai fait tout seul et par conviction. En même temps, je l’ai fait aussi pour ma femme. Le fait d’avoir rencontré Wahiba m’a poussé à le faire. J’ai appris l’Islam et à faire les prières. J’allais à la mosquée. Je fais mes cinq prières tous les jours et parfois, ça m’arrive de faire la salat d’El Fedjr quand je peux. C’est important. J’ai connu par la suite La Mecque. C’était magnifique.
Justement, quelle fut votre impression quand vous avez découvert La Mecque ?
Je ne saurais comment vous l’expliquer, mais on ressent beaucoup de choses… de l’émotion surtout. En fait, une fois que t’es dedans, il se passe quelque chose. Tu sens que tu réalises quelque chose d’extraordinaire. T’es à La Mecque, tu découvres beaucoup de choses et tu te sens comme un autre homme. C’était vraiment émouvant.
Vous avez été là-bas avec le joueur turc Hamit Altintop…
Exactement ! On a eu la chance de faire un match amical là-bas et une fois sortis à la mi-temps, on est partis directement à La Mecque avec le chauffeur. Le match n’était même pas terminé. D’ailleurs, j’ai une anecdote à vous raconter.
Oui, allez-y…
J’ai eu la chance, une fois là-bas, de manger chez un Macdo Halal (il rigole franchement…). J’ai pris deux big Mac que j’ai mangés dans la voiture. Vu que c’était halal, j’en ai profité. Heureusement que l’entraîneur ne nous a pas vus. Franchement, ce fut un bon moment. Je souhaite à mes beaux-parents d’y aller.
En Equipe de France, il y a beaucoup de joueurs musulmans, n’est-ce pas ?
Oui, tout à fait.
Ça vous arrive de partager des moments ensemble ?
Après chacun sa mentalité et sa religion aussi. Comme je le répète à chaque fois, ce n’est pas parce que je suis musulman que je suis marié à une Algérienne que je suis différent ou bien une autre personne. Ribéry a été et restera toujours le même.
Abidal, c’est extraordinaire ce qui lui est arrivé. Dites-nous, vous qui le connaissez assez bien, comment il a vécu toute cette période ?
Ça été dur pour lui, je peux en témoigner. Il a beaucoup souffert. C’est plus qu’un pote, c’est un frère pour moi. L’avoir vu dans l’état où il était et la souffrance de sa famille, c’était vraiment difficile. Mais El hamdoulilah, grâce à Dieu, il a réussi à revenir et surpasser tous ses problèmes. Il a pu même retrouver les terrains. Que du bonheur.
Parlons à présent un peu de football. Le Bayern a réalisé une énorme saison, encore une fois. Comment jugez-vous justement cette saison aussi bien sur le plan collectif que personnel ?
Je pense qu’on a fait une très belle saison dans l’ensemble, même si on regrette notre élimination en demi-finale de la Ligue des champions. On a manqué de confiance vers la fin de la saison, et c’est dommage !
Vous parlez d’un manque de confiance, mais on a vu que le club a réalisé quasiment ses objectifs…
Oui, c’est sûr, mais je trouve qu’on a été fragiles vers la fin.
Guardiola a chamboulé aussi le jeu de l’équipe…
C’est un ensemble. On a réussi quand même à faire de bonnes choses ensemble.
Certains disent que le Bayern a recruté Guardiola pour qu’il puisse amener avec lui le Tiki-Taka du Barça…
Nous, on est différents et on a nos propres qualités. Le coach a ramené bien sûr sa culture et sa vision du jeu et on a essayé tous ensemble de réaliser quelque chose de bon. Je pense qu’un grand coach et une belle équipe, ça peut réaliser des choses intéressantes, comme on l’a fait cette saison encore.
Un Franz Beckenbauer, comme beaucoup d’Allemands râlent un peu par rapport à cette obsession de la possession du ballon qui n’amène pas toujours l’efficacité devant les buts…
Vous savez, il faut du temps. On ne peut pas tout réussir d’un seul coup. C’est vrai que notre jeu est assez différent par rapport à l’an dernier, mais on s’est adaptés.
Si on résume un peu l’esprit de Guardiola dans le vestiaire, c’est complètement différent de ce que vous avez connu par le passé ?
On a gardé cette fraîcheur, cette envie et cette bonne humeur et c’est le plus essentiel. On a une belle équipe, de bons joueurs et c’est ce qui compte.
Didier Deschamps n’a pas retenu Samir Nasri pour le Mondial, bien qu’il ait réalisé une saison époustouflante avec Manchester City. Vous êtes un peu triste pour lui ?
Bien sûr que je suis très triste pour Samir. Il a fait une grande saison en Angleterre et rater comme ça une Coupe du monde, ce n’est assurément pas facile à digérer pour lui.
On revient sur l’Algérie. Dites-nous comment avez-vous vécu le fameux match du Soudan en 2009 qui a opposé les Verts à l’Egypte ?
C’était intense, je m’en souviens. J’ai regardé le match à Clairefontaine, car nous aussi, nous avions un match barrage à disputer ce soir-là (Ndlr, face à l’Irlande du Sud). J’étais bien sûr supporter de l’Algérie. J’ai aussi prié pour eux pour qu’ils se qualifient au Brésil. C’est bien pour le pays, les joueurs et les supporters que la sélection ait pu se qualifier pour le Mondial 2014. J’ai vu qu’il y a un bon groupe qui sait jouer ensemble et qui ne lâche rien.
On vous remercie, une nouvelle fois, pour cet accueil chaleureux et votre gentillesse…
De rien. Merci à vous d’être venu.
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