Interview

Satli : «Ce que je peux apporter à la sélection ? De la solidité et plus de vitesse derrière»

«Brahimi a toujours été un joueur avec un fort caractère et cela depuis qu’on était ensemble à Clairefontaine»

Auteur : Saïd Fellak vendredi 06 mars 2015 23:29

C’est dans le grand stade du Petrolul Ploiesti que le défenseur central, Mourad Satli nous a reçus mercredi dernier pour nous accorder cette longue interview où il se confie sur plusieurs sujets relatifs à son parcours professionnel, mais aussi sur son enfance passée à Oran. On a passé toute une journée avec ce jeune défenseur, qui rêve d’intégrer un jour les rangs de la sélection nationale. Entretien. 

 

Mourad, vos débuts avec le football, c’était à Clairefontaine, c’est bien ça ?
Exactement. J’ai fait ma formation là-bas aux côtés d’un certain Yacine Brahimi pendant trois ans et, après, nos chemins se sont séparés. J’étais parti à Strasbourg pour quatre ans, avant de rejoindre par la suite la formation belge de Charleroi. Maintenant, ça fait six mois que je suis ici à Petrolul Ploiesti et tout va bien. 
Pourquoi avoir choisi ce club roumain ?
Et pourquoi pas ? À Charleroi, on jouait constamment le maintien. C’était des saisons très difficiles, où on était souvent sous pression. Jouer toujours pour éviter la descente, ça ne m’intéressait plus. J’ai eu une offre pour jouer ici le titre chaque saison et l’Europe. J’ai réfléchi avec ma famille et j’ai pris la décision de venir ici en Roumanie et, franchement, je ne regrette pas. 
Vous vous êtes bien adapté ici ?
Oui. Il y a beaucoup de francophones ici au club et même la langue roumaine n’est pas trop difficile. Pour l’instant tout va bien, El Hamdoulilah. 
Vous disiez que vous avez fait Clairefontaine avec Brahimi. Une anecdote à nous raconter sur lui quand il était petit ?
Déjà, je dois dire que je suis très fier de lui et content de ce qu’il réalise avec son club du FC Porto depuis l’entame de la saison. Il est devenu un joueur décisif et c’est ça le plus important. Avant, c’était un peu son défaut. On savait tous que c’était un super joueur, mais il lui manquait quelque chose pour devenir ce grand joueur qu’il est maintenant. Pour ce qui est de l’anecdote, Yacine a toujours été un joueur de caractère et il ne fallait pas le chauffer. Comme j’étais défenseur et lui joueur offensif, je lui mettais des coups de temps en temps, mais il ne lâchait pas l’affaire et revenait toujours de mon côté pour essayer de passer. Il aime les défis. 
Pourquoi n’avez-vous pas percé sous les couleurs du RC Strasbourg ?
J’étais très jeune à cette époque et le club comptait pas moins de 45 licences pros. Ce n’était pas facile de s’imposer, surtout que tout n’était pas très bien organisé. On a vu que le club n’a pas pu résister et a rétrogradé en amateur. Je suis parti au bon moment. 
Par la suite, vous avez opté pour Charleroi. Décrivez-nous votre passage dans ce club belge ?
La première saison, je suis arrivé sur la pointe des pieds, puisque je sortais d’un centre de formation. Je découvrais à peine le monde pro. Il y avait beaucoup de joueurs francophones là-bas aussi et cela m’a aidé à bien m’adapter. Je dirais que c’était un parcours relativement positif. J’ai beaucoup joué et j’ai acquis énormément d’expérience au sein de ce club. En plus, là-bas, j’ai joué à plusieurs postes de la défense et cela m’a permis d’être le joueur polyvalent que je suis devenu. 
Cette saison, vous occupez avec le Petrolul Ploiesti la deuxième place au classement. Le duel s’annonce intense avec le Steaua Bucarest, actuel leader…
Oui, en effet. En plus, vu que Ploiesti n’est qu’à 50 km du centre du Bucarest, c’est le gros derby quoi ! Ce match, il faut vraiment le vivre. C’est vraiment quelque chose d’exceptionnel. Une ambiance de folie dans le stade. C’est dommage que ça ne soit pas trop connu dans le monde. 
Votre club dispose d’un stade haut standing. On imagine que cela vous a incité encore plus à signer pour cette équipe…
Tout à fait. Avant de signer, j’étais venu voir les installations sportives du club et franchement, j’étais très surpris de voir ce stade ultra moderne. Tout est parfaitement organisé ici et il est clair que tout cela a influencé davantage mon choix de venir jouer dans ce pays. 
Avant de signer ici, avez-vous eu des offres d’autres clubs plus connus, sachant que vous étiez libre de tout engagement après l’expiration de votre contrat avec Charleroi ?
Oui, j’en ai eues. Certaines de France, mais vous savez, maintenant, les clubs européens hésitent beaucoup avant de prendre des joueurs. Ils te disent, on te veut, mais il va falloir que tu attendes un peu. J’ai compris que je pouvais être le deuxième, voir le troisième choix. C’était risqué d’attendre et c’est alors que j’ai préféré signer à Petrolul qui me proposait un contrat de trois ans avec beaucoup d’avantages. 
Financièrement surtout ?
Oui, c’est sûr. Depuis que j’ai perdu mon père, Rebi Yerahmou, il fallait que je me mette à l’abri financièrement vis à vis de ma famille surtout. 
Si on vous demandait de vous décrire techniquement… De nous parler un peu de votre style de jeu…
Avant, j’étais un défenseur très technique, qui essayait toujours de bien faire sortir le ballon puisque à Clairefontaine, on nous interdisait de dégager le ballon vers l’avant. A Strasbourg, j’ai dû un peu changer mon style de jeu afin de ne pas handicaper mon équipe. Je suis devenu un joueur assez agressif. J’aime les duels et je me nourris de ça dans un match, sinon je m’ennuie. 
On sait que vous êtes un défenseur polyvalent. Dans quel registre vous sentez-vous le plus performant cependant ?
Défenseur central, c’est là où je prends plus de plaisir. 
Votre entraîneur n’a pas tari d’éloges sur vous, en assurant que vous étiez un défenseur moderne que tout entraîneur aimerait avoir dans son effectif. Comment définiriez-vous ce mot moderne ?
Je pense que c’est le mélange d’un défenseur qui est technique, mais agressif aussi sur l’attaquant. Un défenseur rapide et fort dans les duels.  
C’est quoi votre plus grande force ?
Le mental. 
C’est important ?
Oui. J’estime que le mental, c’est 90 % de la carrière d’un footballeur. 
Ça vous a aidé dans votre carrière jusque-là ?
Bien sûr. J’ai trébuché plusieurs fois, mais au fond, je savais ce que je voulais. 
Quand vous dites que vous avez trébuché, vous parlez de votre parcours au RC Strasbourg ou bien à Charleroi ?
Un exemple. Quand je suis arrivé à Charleroi en 2010, c’était les vacances, je venais de signer mon contrat, mais une semaine après, un nouveau coach signe au club, il m’appelle tout de suite et me dit : «Cherche-toi un nouveau club. Fais-toi prêter, fais ce que tu veux, mais ne reste pas ici, parce qu’avec moi, tu ne joueras pas et je te mettrai avec la réserve». Moi, évidemment, tout de suite, j’appelle le président et je demande qu’est-ce qui se passe ? Il me répond : «Le coach a les pleins pouvoirs, on ne peut rien faire. On va essayer de te prêter». 
Et qu’est-ce qui s’est passé ensuite ?
Je voulais être prêté au départ, mais aucun club ne me voulait, car je débarquais à peine en Belgique et personne ne me connaissait. J’ai réussi au final, tant bien que mal à me faire prêter dans un club de Division 2 où j’ai passé une très belle saison, disputant beaucoup de matchs. Après, je suis revenu à Charleroi. 
Quand vous voyez le traitement qu’on vous a réservé, vous n’aviez pas cette envie de ne plus revenir à Charleroi ?
Mentalement, cette mésaventure m’a beaucoup servi. J’ai pris sur moi-même, et vu que j’avais signé pour quatre ans, j’étais obligé d’honorer mon contrat. De toute façon, deux mois après sa nomination, l’autre coach qui ne me voulait pas, avait été viré pour mauvais résultats. 
On vous a vu à l’entraînement jouer tantôt du droit, tantôt du gauche. C’est quoi votre pied de force ?
Je suis plus droitier, mais je manie très bien le pied gauche. J’ai souvent évolué en tant que latéral gauche à Charleroi d’ailleurs. 
Comme vous le savez, le coach national, Christian Gourcuff est à la recherche de défenseurs centraux. A ce propos, il vous a ciblé. Avez-vous été contacté par lui ou bien par la FAF ?
Non, pas du tout. Aucun contact pour le moment. Je sais qu’il cherche un défenseur central de mon profil. Ce qu’il faut qu’il sache, c’est que je suis totalement disponible à intégrer la sélection nationale. Intégrer l’EN, c’est le summum pour un joueur algérien. 
Vous dites que vous avez le profil recherché. Qu’est-ce que vous pouvez réellement apporter à l’EN ?
J’ai pu lire que le coach avait parlé d’un problème de vitesse au niveau des défenseurs centraux dont il disposait. Déjà, pour moi, la vitesse, c’est un de mes points forts. Après, je ne sais pas trop, c’est au coach d’en décider.

On imagine que vous avez suivi les matchs de l’EN à la dernière CAN ?
Oui, bien sûr. J’ai regardé tous les matchs. 
Et comment avez-vous trouvé le parcours de la sélection ?
Le parcours a été difficile vu que sur les quatre matchs disputés, l’EN a rencontré quatre grosses nations du foot. Dans l’ensemble, l’équipe s’en est bien sortie, mais c’est dommage d’avoir été éliminé par la Côte-d’Ivoire quand même. Je pense que l’Algérie a été la meilleure durant cette compétition mais a manqué un peu de chance. 
Beaucoup de carences défensives ont été notées durant cette CAN, notamment dans l’axe. Qu’est-ce que vous en pensez ?
Le football de haut niveau ne pardonne pas. Quand vous avez en face de grands attaquants, une seule erreur se paie cash. On prend l’exemple de Medjani. Face au Ghana, il a fait un match parfait jusqu’à cette erreur dans le temps additionnel. C’est dommage ! 
Vous êtes toujours en contact avec Brahimi ?
Non, pas vraiment. On s’est un peu perdus de vue. 
D’autres joueurs algériens que vous connaissez ?
Non, pas vraiment. Seulement, j’ai joué contre Soudani en Europa League cette saison. Le Dinamo Zagreb nous a éliminés. 
Pour les gens qui ne vous connaissent pas. Vous êtes né à Oran où vous avez grandi jusqu’à vos huit ans, c’est bien ça ?
Oui, en effet. Je suis venu en France à l’âge de huit ans. J’ai une forte relation avec l’Algérie, où je garde encore mes amis de mon enfance là-bas. Je suis un pur Oranais. 
Vous vous êtes installé en France en compagnie de vos parents ?
Exactement. On est venus dans la région parisienne en 1998. Une nouvelle vie avait commencé pour moi et il fallait s’adapter très vite. 
C’était un départ forcé, ou pour ordre professionnel ?
Non, c’était une décision de mon défunt père. C’est lui qui avait décidé de venir en France et il avait sans doute ses raisons. 
Vous avez l’habitude de venir en Algérie ?
Oui, bien sûr. Quand je peux, je viens souvent. Je viens voir la famille et je reviens à notre maison familiale. C’est bien de se ressourcer.
C’était quand la dernière fois que vous êtes venu au pays ?
Septembre 2013, lors du décès de mon père.
On imagine que cela a été une épreuve douloureuse pour vous, la perte de votre papa ?
Evidemment. Mais maintenant, il faut accepter tout ça. Rebi Yerahmou et j’espère qu’il est mieux là où il est à présent. Cela a été une épreuve très difficile, mais El Hamdoulilah, j’ai pu compter sur ma famille au bled, qui nous a vraiment aidé et je les remercie tous. 
On vous sent très ému…
J’étais quelqu’un de très proche de mon père. 80 % de son temps, il était avec moi. Il me donnait des conseils et m’orientais. C’est grâce à lui que j’ai pu me forger un mental d’acier. C’était mon allié de la vie et malgré son départ, je garde toujours en mémoire ses conseils. 
Que vous intégriez un jour la sélection, cela aurait été sa plus grande fierté, on l’imagine…
Il aurait été très fier et très ému. Jouer en sélection aurait été le meilleur cadeau que j’aurais pu lui faire, c’est clair. 
Vous êtes trois frères et une sœur, c’est bien ça ?
Oui. J’ai un grand frère plus âgé que moi de deux ans, qui est un fou de foot. C’était lui qui jouait au football avant et moi, rien du tout. Un jour, il m’a dit : «Viens, ramène ton sac, mets tes crampons, on va jouer au foot». Je l’ai suivi et depuis je n’ai plus quitté le ballon. Lui, actuellement, il joue en amateur. Ce n’est pas le même niveau, mais franchement, il se débrouille bien quand même. 
La maman vous suit toujours ?
Oui, même si elle n’y connaît pas grand chose au foot. Elle est à Paris et comme toutes les mamans, elle a toujours peur pour moi. J’essaye de la rassurer tout le temps. 
Etant oranais, on imagine que vous êtes soit pour le MCO ou l’ASMO…
Je suis à fond derrière le MCO. Je suis un fou de ce club et ce, depuis que j’étais très jeune. Quand j’étais encore au pays, ma mère ne me laisser pas sortir quand le MCO jouait, car elle savait que j’allais au stade. J’avais 6 ou 7 ans et je partais au stade. Je suppliais mon oncle pour qu’il vienne avec moi. C’est là que tout a commencé réellement pour moi. Je rêvais d’être à leur place (les joueurs) dans ce stade de Zabana, la chance qu’ils avaient, le monde qui les regardait…
Vous suivez alors le parcours du MCO cette saison ?
Oui, bien sûr. Je sais que le club réalise une bonne saison jusque-là. Il y a quelques années de cela, c’était très compliqué, avec la relégation qu’il y a eue il y a quatre ans. 
Peut-on vous voir un jour porter les couleurs du MCO ?
Oui, pourquoi pas. Oran, c’est ma ville et je serai honoré de porter le maillot du club. 
Y a-t-il une communauté algérienne ici à Bucarest ?
Non, pas vraiment. Il y a plus de Tunisiens. 
Quel est le club qui vous fait rêver ?
Tous ceux qui me connaissent savent que je suis un fan de Liverpool. L’atmosphère qui règne dans le stade à chaque fois qu’ils jouent, c’est juste exceptionnel. 
Comment passez-vous votre temps libre ici ?
Quand je finis l’entraînement, je vais manger au resto. Je suis souvent accompagné de mon ami, Syam Ben Youssef, qui est international tunisien et qui joue pas très loin de Bucarest. 

 

Publié dans : brahimi. Mourad Satli Petrolul Ploiesti

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