Ryad Mahrez a accueilli Le Buteur et El Heddaf TV à Leicester. C’est au centre d’entraînement du club que l’international algérien, qui brille actuellement en Premier League, s’est exprimé sur plusieurs sujets. Interviewer Ryad Mahrez n’est guère facile car, en ce moment, le joueur est très courtisé. La direction du club reçoit des dizaines de demandes d’interview chaque jour, vu qu’il alimente l’actualité du football anglais et suscite l’intérêt du Big Four, mais aussi des grands clubs européens. Dans cet entretien passionnant, le joueur se lâche et parle de Leicester, de ses buts, mais aussi de la sélection algérienne.
Alors Ryad, vous vous retrouvez bien avec ce nouveau statut puisque vous étiez presque inconnu, il y a un peu plus de deux ans de cela en Ligue 2 française et maintenant vous faites partie des grands noms de cette Premier League ?
Oui, je me retrouve bien. Mais le plus important c’est l’équipe. Actuellement, nous réalisons de très bons résultats en championnat. On est premiers au classement avec Arsenal et j’espère qu’on va continuer sur cette lancée. Nous allons prendre les matchs un par un, pour essayer de récolter le plus grand nombre de points.
Mais vous êtes devenu le chouchou du public du King Power Stadium de Leicester…
Oui, c’est vrai. Mais je pense qu’avec le fait de marquer beaucoup de buts et de délivrer des passes décisives, il est tout à fait logique que le public ait beaucoup d’estime pour moi. Sincèrement, j'en suis content.
Qu’est-ce qui a fait la force de Ryad Mahrez, cette saison ?
Je ne sais pas précisément, mais peut-être du fait d’avoir commencé à marquer des buts dès le début de la saison. J’ai réussi à inscrire un doublé lors du premier match puis un autre lors du troisième match. Puis j’ai marqué encore des buts. Ça m’a donné beaucoup de confiance. J’avais soif et j’ai continué à travailler d’arrache-pied pour réussir une belle saison. Ça m’a donné plus de confiance. J’ai toujours su que je pouvais marquer beaucoup de buts et je suis très content de ça. Maintenant, j’ai de l’expérience, je peux marquer des buts aussi facilement.
Est-ce que votre entraîneur Claudio Ranieri y est pour quelque chose dans votre réussite ?
Oui, bien sûr. Claudio Ranieri y est pour beaucoup. Je pense que cela est tout à fait logique du fait que je travaille sous sa coupe depuis des mois. Ranieri m’a beaucoup aidé depuis sa venue à Leicester City. Il m’a orienté au cours des entraînements et ses conseils ont été vraiment précieux, ce qui m’a beaucoup aidé à progresser et permis d’améliorer mes performances.
Vous vous êtes adapté au travail avec Ranieri même si les spécialistes pensent qu’il est très difficile de travailler sous la coupe d’un entraîneur italien très exigeant ?
Oui, je n’ai pas de problème là-dessus. J’ai réussi à m’adapter le plus normalement du monde. C’est vrai, Claudio Ranieri ainsi que la majorité des entraîneurs italiens sont très exigeants. Que ce soit sur le plan défensif ou de la rigueur tactique, ils sont intransigeants. Cela m’a permis de beaucoup progresser et c’est grâce à ça que j'ai réussi une bonne première partie de saison.
Vous êtes positionné sur le flanc droit, mais comme milieu de terrain et non pas attaquant. En même temps, vous marquez des buts. Trouvez-vous des difficultés sur le terrain ?
Oui, il y a un peu de difficultés, c’est vrai. A Leicester, on joue en 4-4-2. Moi, je suis positionné comme milieu de terrain excentré sur le couloir droit. Je dois beaucoup courir sur le terrain et faire des efforts supplémentaires pour être à l’affût au moment opportun. Au début, il était difficile pour moi de m’adapter, mais après j’ai réussi à m’y faire à cette stratégie. Ranieri exige aussi de nous de défendre en même temps pour donner un coup de main à la défense, mais bon, je me suis adapté à ce rôle et j'en suis content.
Avez-vous envisagé d'en parler avec Claudio Ranieri, pour lui demander de vous positionner un peu avancé ?
Non, pas du tout. Déjà lors de certaines rencontres, il me positionne un peu avancé, juste derrière l’attaquant et parfois il me met sur le flanc droit. Tout dépend du match. J’aime jouer derrière l’attaquant car il s’agit de mon poste de prédilection. Maintenant, je me suis adapté au couloir droit et je ne trouve pas de difficulté. C’est quelque chose d’important pour moi. C’est pour cela que je ne vais rien demander à mon coach.
Vous avez marqué un but face à Chelsea, c’était spécial pour vous ?
Un peu. Le plus important pour moi, c’est la victoire de mon équipe. J’étais très content après avoir réussi à marquer un but qui a permis à mon équipe de gagner. Ma joie c’est aussi parce que j’ai réussi à inscrire un but face à une équipe comme Chelsea.
Avant le match, avez-vous eu le trac en voyant face à vous de grands joueurs comme Eden Hazard ou John Terry que vous avez fini par malmener ?
Non, je n’avais aucun trac. Pour moi, c’était un match comme les autres. J’ai joué face à de grandes équipes comme Manchester United ou City ainsi qu’Arsenal et Liverpool. Il ne faut pas aussi oublier que j’ai pris part à la Coupe du monde 2014 au Brésil avec la sélection algérienne. Le match face à Chelsea était simple pour moi et je n’avais aucune pression.
Affronter de grandes équipes comme Chelsea, Liverpool, Arsenal ou même les deux équipes de Manchester vous permet de faire votre apprentissage…
Oui, bien sûr. C’est un capital expérience que j’ai acquis. Affronter ces équipes permet de bien apprendre et de faire l’apprentissage. Au fur et à mesure, ce genre de match devient simple alors qu’auparavant, c’était un événement.
Lequel de ces matchs était le plus difficile pour vous, racontez-nous…
Sincèrement, le plus difficile était celui qu’on a disputé face à Manchester City, à domicile. On avait joué un match deux jours auparavant si ma mémoire est bonne. Donc, c’était le Boxing Day, où on a disputé beaucoup de matchs. Donc, on avait ressenti une certaine fatigue. Aussi, le match était très serré sur le terrain. Il n’y avait pas beaucoup d’espace. L’enjeu était grand car Manchester City voulait à tout prix grimper encore au classement général et réduire l’écart. Finalement, je pense que le nul était équitable car le match était serré des deux côtés.
La défaite face aux Reds de Liverpool à Anfield Road était-elle difficile à digérer ?
Non, cette défaite est passée presque inaperçue. Je pense que Liverpool méritait sa victoire ce jour-là. Les Reds ont fait un bon match et ont su gérer la partie comme il se doit. C’est ça le football ! Nous sommes allés à Londres pour battre les Spurs de Tottenham chez eux. Le match était difficile pour les deux équipes. En tout cas, on est satisfaits parce qu’on ne totalise que deux défaites seulement depuis l’entame de la saison. C’est quand même satisfaisant.
Face à Manchester City, vous avez très surveillé au point où il y avait parfois deux ou trois joueurs adverses pour vous stopper. Cela a diminué de vos capacités ?
Ecoutez ! Depuis que je marque, je suis très surveillé sur le terrain par les joueurs adverses. Je pense que cela est logique puisque, avec ces buts-là, les adversaires pensent sans doute que le danger vient de Mahrez. On essaye donc de me museler. Je prends les choses du bon côté tout en essayant d’aider au maximum mon équipe.
Mais face à Manchester City, c’était quand même flagrant…
Non, je ne pense pas à ça. Je suis marqué dans tous les matchs, sauf que ce jour-là, c’était peut-être plus flagrant, l’enjeu était très important. Moi, je voulais apporter un plus à mon équipe et, à l’opposé, les Citizens voulaient revenir au classement puisqu’ils étaient à la troisième place.
Racontez-nous votre vie ici à Leicester, comment ça se passe ?
Non, il n’y a aucun problème. C’est une vie normale.
Lorsque vous sortez, vous êtes beaucoup sollicité sans doute. Ça vous agace ?
Ah, là, j’ai beaucoup de sollicitations. Là où je vais on me sollicite pour des photos souvenir et pour des autographes, mais dans l’ensemble, je ne sors pas trop.
Donc, vous arrivez à gérer ça…
Oui, bien sûr. Il n’y a aucun problème à ça. Je réponds aux sollicitations des fans le plus normalement du monde. Je pense que cela est logique dans le football.
Vous demande-t-on le titre de champion puisque tout le monde commence à y croire ?
Oui, tout le monde rêve du titre. Même nous les joueurs, on y pense, mais sans se mettre la pression. On est leader avec Arsenal après vingt et une journées de championnat, je pense que ce n’est pas anodin. Si c’était au bout de sept ou huit matchs de championnat, ça pourrait être autre chose. Mais au bout de vingt et une journées, ça veut dire tout simplement qu’on est allés chercher cette première place. Ça veut dire qu’on travaille dur pour ça et je pense que cela démontre que nous méritons cette place.
Il reste quand même dix-sept matchs de Premier League…
Oui, tout le monde le sait, mais on a disputé vingt et un matchs. Il ne faut pas l'oublier. Après, il faudra rester concentré sur notre sujet. C’est très important. On a dix-sept matchs à disputer, c’est vraiment difficile. Il faut gérer les matchs un par un. On doit rester sur cette lancée car si on perd trois matchs en Angleterre, on peut se retrouver à la septième place.
Vous pensez que Leicester sera attendu lors de cette phase retour ?
Oui, c’est sûr. Toutes les équipes vont tout faire pour battre Leicester lors de la phase retour. On sera attendus par tout le monde. Par exemple, si on affronte une équipe mal classée, elle va tout faire pour nous battre. C’est la loi du football. On n’a perdu que deux rencontres depuis l’entame de la saison.
Qu’est-ce qui se dit à l’intérieur du groupe et quel est le discours tenu par Claudio Ranieri ?
Sincèrement, tout le monde y croit. Pour ce qui concerne Claudio Ranieri, il y croit lui aussi, seulement il est prudent et je pense qu’il a raison car rien n’est encore joué. Le coach nous a demandé de garder les pieds sur terre et de rester concentrés sur les matchs restants.
Et vous les joueurs, vous y croyez ?
Bien sûr. On travaille pour gagner des titres, pour avoir de la joie. On va se donner à fond lors des matchs restants, c’est clair.
Les Algériens qui ont beaucoup d’estime pour vous, pensent que vous avez acquis assez d’expérience et de métier pour pouvoir jouer dans un grand club anglais…
Sincèrement, je ne peux pas parler de ça pour qu’il n’y ait pas une mauvaise interprétation dans mon club. Je suis toujours sous contrat et y a pas mal de clubs qui me veulent. Je préfère laisser le destin faire les choses.
Manchester City, Manchester United, Chelsea et d’autres clubs anglais veulent vous engager. Tout ce qui se dit dans les médias vous met la pression ?
Non, pas du tout. Moi je suis un joueur et j’essaye de me concentrer sur le terrain, c’est tout. C’est mon travail. Après, c’est flatteur d’entendre parler de l’intérêt des grands clubs anglais. Cela m’honore beaucoup. Mais je pense que cela est logique du fait que n’importe quel joueur, qui joue et marque des buts, reçoit des propositions. Maintenant, je me concentre sur le terrain pour essayer d’aider mon équipe. C’est ce qui m’importe le plus maintenant.
Peut-on dire que c’est votre dernière saison à Leicester ?
Sincèrement, je ne sais pas. Je ne peux rien vous dire maintenant parce qu’il me reste encore trois ans et demi de contrat. Tout est possible. D’ici la fin de saison, les choses seront plus claires.
Pourquoi n’avez-vous pas joué dans un grand club de la Ligue 1 française, sachant qu’il y a eu cette fameuse histoire de l’Olympique de Marseille ?
Honnêtement, je ne sais pas quoi vous dire. Je jouais au Havre en Ligue 2, mais je n’ai pas eu l’occasion de jouer dans un grand club de la Ligue 1. Peut-être que les clubs français ont vu que je ne pouvais pas les aider, je ne sais pas ! Entre-temps, il y a eu cet intérêt des dirigeants de Leicester City qui ont vu en moi un profil de joueur intéressant. J’ai donc rejoint Leicester et je suis content de ce que je réalise avec ce club.
Racontez-nous cet épisode avec l’OM…
Il n’y a rien eu. Mon agent m’avait proposé à l’Olympique de Marseille et les dirigeants de ce club ont dit non. J’ai entendu parler de cette histoire après, je ne le savais pas. Je n’ai passé ni test ni rien du tout avec Leicester.
Aujourd’hui, vous estimez-vous heureux d’avoir été recalé par l’Olympique de Marseille puisque c’est ce qui vous a permis de jouer à Leicester ?
Non pas du tout. Je suis content d’être ici à Leicester City et content de ce que je réalise. Non, je ne pense pas comme ça parce que tout simplement le football est lié au destin. On ne peut jamais prédire quelque chose.
Beaucoup ne le savent pas, mais vous avez failli rejoindre la JSM Bejaia en 2013…
(Il parait étonné.) Non, ce n’est pas vrai. Je n’en ai jamais entendu parler.
La presse avait évoqué d'éventuels tests au club…
(Rires.) Non, ce n’est pas vrai. En 2013, j’avais déjà signé un contrat pro avec Le Havre, je me demande donc pourquoi faire ces essais. Je n’ai jamais entendu une histoire pareille ni lu cela dans la presse.
Parlons de la sélection nationale, vous avez le père algérien et la mère marocaine. Qu’est-ce qui a pesé sur votre choix et qui vous a fait opter pour l’Algérie ?
Sincèrement, je me sens plus algérien que marocain. Tous les ans, je pars en vacances en Algérie avec mon père. J’ai choisi l’Algérie par amour du pays. Ma mère est marocaine de mère mais algérienne de père.
Donc, il n’y avait aucune chance d’opter pour le Maroc…
Oui, aucune chance d’opter pour le Maroc. Algérien à fond.
Vous avez disputé la Coupe du monde à vos débuts puis vous êtes devenu un élément clé de l’EN lors de la CAN 2015 en Guinée équatoriale. Les Verts étaient justement les favoris de ce tournoi, mais ils se sont fait éliminer par la Côte d’Ivoire, qu’est-ce qui n’a pas marché ce jour-là ?
Oui, c’est vrai. C’était une énorme déception pour nous. On voulait faire quelque chose lors de ce tournoi après un bon parcours lors des éliminatoires. Finalement, ça n’a pas marché. On est tombés face à la Côte d’Ivoire qui a remporté le tournoi. Une déception énorme, mais on misera sur la prochaine CAN en 2017 inch'Allah au Gabon.
Pensez-vous que l’Algérie sera encore une fois le favori ?
Qu’on soit favori ou pas, ce n’est pas la chose la plus importante. On ira là-bas pour réaliser un bon résultat. Ce sera notre unique objectif.
Après la CAN, beaucoup de choses se sont passées avec l’éventuelle démission de Gourcuff et les pressions terribles que vous avez subies, vous les joueurs, au stade du 5-Juillet lors des deux matchs amicaux face à la Guinée et le Sénégal, c’est sans doute la première fois que vous vivez une telle situation…
Oui, mais je ne veux pas trop m’étaler sur ce sujet. Nous avons de très bons rapports avec Christian Gourcuff. Nous avons beaucoup d’estime pour lui et personne d’entre nous n’a souhaité son départ. Tout le monde souhaitait qu’il reste. Je pense qu’il a fait un excellent travail et c’est avec lui que nous ferons l’avenir.
Vous pensez que revenir à Blida est une bonne chose ?
Pour moi, on joue n’importe où. Que ce soit à Blida, au 5-Juillet ou à Oran, on est sur le sol algérien. Tout le monde sera derrière nous. L’essentiel pour nous est de jouer devant nos supporters qui nous soutiennent à fond.
Le prochain match face à l’Ethiopie ?
Ce sera un match difficile pour nous, à l’instar de notre adversaire, mais nous ferons le maximum pour gagner.
Les conditions climatiques et notamment le problème de l’altitude vous inquiètent-ils ?
Non pas du tout. On a pris l’habitude de jouer en altitude et sous un climat difficile. Nos déplacements en Ethiopie, au Malawi ou au Lesotho nous ont permis d’apprendre et d’avoir de l’expérience.
Le fait de jouer en sélection nationale à gauche, et en club à droite, vous handicape-t-il ?
Non pas du tout. C’est vrai, je souhaite jouer à droite car c’est mon poste de prédilection, mais après, le problème ne se pose pas si je joue à gauche. Mais le coach me fait jouer parfois à droite lorsque Soso (Sofiane Feghouli) est absent pour suspension ou blessure.
Un dernier mot pour le public algérien…
Je les remercie pour leur soutien et je leur promets de tout faire pour les réjouir. Je leur demande de continuer à nous soutenir en vue des prochaines échéances.
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